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(…) Je suis né le 3 décembre 1920 à Angeville dans l’Eure. Quelques années plus tard, mes parents se séparent. Mon père, ancien combattant de 14-18 est agriculteur, ma mère tient un restaurant de village dans le département de l’Orne. Mon père, prisonnier de guerre, évadé durant la grande guerre, est un modèle pour moi. A la déclaration de guerre, j’habite à l’Aigle (Orne) en Normandie, et travaille sur un chantier à Verneuil (Eure). En janvier 1940, je passe le conseil de révision étant du dernier contingent, je ne suis pas mobilisable. Lorsque les Allemands occupent Paris, nous décidons, ma mère et moi, de partir en direction de Tours. Ma mère possède une voiture, mais ne sait pas conduire. Bien que n’ayant jamais conduit, je prends le volant et tout se passe bien. Nous nous arrêtons à Loches. Voyant que nous ne pouvons rien faire de plus, nous décidons de rebrousser chemin. A notre arrivée à l’Aigle, nous découvrons les premières dégradations : les maisons ont été dévastées, pillées. Notre maison n’a pas été épargnée. Nous sommes contraints de rester là. Etant menuisier de métier, j’ai repris mon travail. Je me sens mal à l’aise face à l’Armistice. Je m’oppose quelque peu à mon père qui est pour Pétain (le vainqueur de Verdun !) Après le 20 juin sur notre grand poste radio j’entendais à la BBC le général de Gaulle. C’est à cet instant que j’acquiers la conviction que seul de Gaulle peut nous sauver, je n’ai plus qu’une idée en tête, le rejoindre. Comment faire ? J’ai attendu que les événements se déroulent en notre faveur, je continuais à travailler. Durant tout ce temps, mes amis et moi avons réussi à organiser notre voyage vers la Zone Libre. Cela demandait bien évidemment quelques mois de préparation. Avec trois de mes camarades, nous décidons vers le mois de janvier 1941 de partir pour la zone libre. Nous nous arrêtons à Paris dans un hôtel tenu par la tante d’un de mes camardes. Nous sommes entrain de prendre un pot au bar, et discutons de l’organisation de notre départ le lendemain. Nous sommes interrompus par un allemand parfaitement bilingue qui a suivi notre entretient. Il vient vers nous et nous dit :
Le 16 juin, nous embarquions à Marseille sur le bateau Gouverneur Général Lépine, et arrivons à Tunis le 18 juin 1941. Des camions nous conduisent à la caserne. Je suis affecté au 26e Train, 101e Cie, au Bardo, banlieue de Tunis. Notre chef de division est le Général Delattre de Tassigny. Je découvre que tous les employés des bureaux sont des militaires en civil qui n’ont qu’une idée en tête, chasser les Allemands de France. Je reste environ 16 mois à Tunis dans ce régiment. Je me rappelle que nous avons passé Noël 41 en chantant au réfectoire « Maréchal, nous voilà ». Je me fais un nouveau camarade : René Debouche, avec qui je ferai la campagne jusqu’à la libération. Le 5 novembre je suis détaché aux ordres du capitaine Bastiani du 2ème Bureau. Je suis en tenue civile, et, avec un camion, je récupère de l’armement camouflé chez les colons français. Le 9 novembre, je reviens à la caserne, et j’apprends que les Allemands occupent la zone libre.
Le mardi 10, les alliés viennent bombarder l’aéroport de Tunis, et la compagnie se met en route pour l’Algérie. Nous nous arrêtons à Souck Arras, pour combattre les Allemands, sous les ordres du général Giraud. Le lendemain, je subis mon premier baptême du feu. Etant nommé 1ère classe, je suis responsable de 4 camions. Nous sommes bombardés, des avions nous survolent. Nous avons juste le temps de descendre des camions et de nous coucher à terre. Une bombe tombe à trente mètres de moi. Des éclats passent au-dessus de ma tête, mais je n’ai aucun mal. Nous nous arrêtons à Souck Arras et nous cantonnons là, jusqu’en février. Le 21 mars, je suis envoyé pour faire un stage d’armement américain, à Alger. J’y reste 2 semaines. La Cie se déplace, nous avançons sur le sol tunisien. Le 13 avril 1943, je suis promu Brigadier. Nous arrivons à Tunis le 9 mai 43 et retrouvons notre caserne. Je suis détaché à Gabès pour ravitailler les troupes qui sont cantonnées là-bas. Je rencontre alors les soldats de la France Libre venant de Tripolitaine. Je prends des renseignements pour les rejoindre.
Le 10 juin 1943, la DFL se met en route pour la Tripolitaine. Nous sommes avec la 8ème Armée anglaise ; nous sommes sujets britanniques, munis d’un livret militaire anglais. Nous campons à Zouara. Nous sommes nourris à l’Anglaise avec le thé en guise de boisson !
Le premier janvier 1944, je suis nommé brigadier chef. Le 25 avril 1944, nous partons pour Bizerte. Nous embarquons le 27 et débarquons à Naples le 4 mai. De nouveau, nous voilà engagés au combat sous les ordres du général Juin, commandant le corps d’armée français. Nous cantonnons à Allanova. Le 10 mai, nous participons à l’attaque du Garigliano, Monta Gondolfo et San Andréa avec la 4ème Brigade, à San Gorgio du Lira, nous subissons plusieurs attaques aériennes. Porte Corvo, Cessano, la prise de Rome le 4 juin. Le 6 juin 44, nous apprenons le débarquement des Alliés et de la 2ème DB en Normandie. Palestrina, Tivoli, Vierlo, Espérise, Montefiascone, Bolsena, Acquapendente, San Lorenzo, Radicafani, Monte Calcinajo, Piaggio Villanova, ultime objectif de la DFL. La division a rempli ses missions au fait de lourdes pertes. C’est le 21 juin. Elle va se regrouper, refaire ses effectifs, réparer son matériel à Albanova - c’est là que le 10 septembre, un Dodge saute sur une mine, trois morts et deux blessés - et se préparer à sa nouvelle mission : Débarquer en France. Le 1er juillet 1944, je suis nommé maréchal de Logis. En août, nous participons à la mise en œuvre de l’embarquement des premiers éléments avancés de la 1ère DFL prévu en France. Quant-à moi, j’embarque à Naples le 25 septembre 1944 sur un bateau américain, pour débarquer en Provence. Nous restons entre 7 et 8 jours sur ce bateau, sans vivres ! : Accablés par le mal de mer, depuis plus d’une semaine, les cuisiniers s’évertuaient tant bien que mal à nous trouver à manger : un midi, ils nous préparèrent de la crème anglaise. Le soir, comme il en restait, ils la rallongèrent pour que personne ne soit lésé. Durant la nuit se sont quelques 700 soldats qui tombèrent malades. C’était l’horreur !
Nous débarquons à Marseille le 11 octobre 1944. Le voyage fut très pénible pour moi, le mal de mer me tenait au corps ! On remonte toute la vallée du Rhône sans trop de résistance, jusqu’à Lure, beaucoup de jeunes s’engagent. A compter de ce jour nous faisons partis de l’armée française commandée par le général de Lattre de Tassigny. Lors de la campagne des Vosges, du 19 novembre au 1er décembre 1944, la 103e participe à toutes les opérations : Ronchamp, Champagney, Giromagny. Le 20 novembre 1944, le général Brosset se tue accidentellement. Avec sa Jeep, le général dérape sur le port de Lary. Il meurt noyé. L’acteur de cinéma Jean-Pierre Aumont à ses côtés, réussi à se sauver. Ce même jour, j’assurai le transport d’une troupe de fantassins. J’arrive une heure après l’accident. Le 30 novembre, je reçois une citation pour avoir évacué la population de Ronchamps. La division a eu 250 tués et 700 blessés. Le commandant de la Cie me fait un ordre de mission pour aller voir mes parents à l’Aigle (Orne). Je prends un Dodge et de l’essence. J’arrive à l’Aigle à minuit. Ma mère est surprise et heureuse. Il y a maintenant quatre ans, qu’elle ne m’a pas vu. Je repars le 4 décembre en emmenant avec moi, mon frère qui souhaitait s’engager. Le 10 décembre 1944, la moitié de la DFL part pour le Sud-Ouest. Nous participons à la relation « spécifique » Armée Nation avec le BIMP et un détachement du 1er RFM. Il s’agit de susciter auprès des jeunes Français des engagements volontaires pour remplacer les troupes africaines composant essentiellement les bataillons de marche de la division. Puis vient un nouveau mot d’ordre. La DFL a pour mission d’aider les FFI à réduire les poches de Royan, Pointes de Graves et La Rochelle. Le cantonnement se fait à Meux près de Jonzac, le 18 décembre 1944. C’est là, le 24 décembre 1944 que je vais rencontrer la jeune fille qui allait devenir ma femme. Le 26 décembre 1944, les Allemands déclenchent une offensive dans les Ardennes. Les unités U.S. et la 2ème D.B. qui a libéré Strasbourg, doivent glisser vers le Nord-Est et dégarnir l’Alsace. Le général de Gaulle décide de ne pas abandonner l’Alsace contre la volonté du commandement supérieur allié et donne l’ordre à la 1ère DFL de foncer relever la 2e DB en Alsace. Nous partons le 26 décembre, et le 2 janvier nous prenons nos nouvelles positions à Sélestat. La 103e Cie fait étape à Menil-sur-belvitte jusqu’au 4 janvier 1945, où elle installe son cantonnement à Steige. On assure la mise en place des unités dans la plaine d’Alsace. Mais la DFL, ayant protégé Strasbourg, participe à la bataille de Colmar.
Souvenons-nous de La Forca, Ploncaval où se déroulent des combats meurtriers. Mais la DFL parvient à Venadio, Borgo San Dalmezo, d’où elle poursuit l’ennemi jusqu’en Italie. Le 2 mai 1945, l’armée allemande des Alpes capitule sur ce front, et la DFL reçoit l’ordre d’arrêter. Brique et Tende se rallient et demandent leur rattachement à la France. Nous effectuons de nombreux transports de ravitaillement vers les unités des transports de mulets. Le matériel est fatigué, mais le temps est avec nous. Victoire du 8 mai 1945. Début octobre 1945, je reviens en Charente et me marie à Allas Champagne, près de Jonzac le 22 octobre 1945. Je m’installe comme artisan menuisier, ébéniste à Baignes en Charente. Je débute avec un apprenti. En 1965, je suis patron d’une entreprise de 30 ouvriers. En 1967, je rachète une entreprise en banlieue d’Angoulême. Les 15 ouvriers de cette entreprise se rajoutent aux miens. En 1970, je quitte Baignes et construis une entreprise de menuiserie – charpente à Champniers. J’ai alors la plus importante menuiserie et charpente de la Charente avec 120 ouvriers. Mais un malheur me frappe en 1978. Ma femme décède. En 1987, je pars à la retraite. Mon engagement pour la fidélité au général de Gaulle a changé le cours de ma vie, sans cela, je n’aurais pas connu mon épouse et aujourd’hui, je ne serais pas en Charente. Je reste toujours attaché à mon passage chez les FFL. Avec regret, je trouve qu’aujourd’hui la Nation n’honore pas assez ces derniers et les FFI à qui nous devons, aujourd’hui, de vivre dans une démocratie libre !
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